OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Des données culturelles à diffuser http://owni.fr/2012/03/28/des-donnees-culturelles-a-diffuser-opendata-bnus/ http://owni.fr/2012/03/28/des-donnees-culturelles-a-diffuser-opendata-bnus/#comments Wed, 28 Mar 2012 13:01:37 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=103776

Les données culturelles ou celles qui concernent la recherche occupent une place particulière parmi les données publiques. Elles restent de fait encore en retrait au sein du mouvement d’Open Data qui se développe en France.

Données particulières

En effet, un statut juridique particulier a été fixé par la loi sur la réutilisation des informations publiques, pour les données produites par “des établissements et institutions d’enseignement ou de recherche” ou par des “établissements, organismes ou services culturels”. Ce régime particulier, dit “exception culturelle”, permet à ces établissements de fixer les conditions de la réutilisation de leurs données. Les autres administrations relèvent du régime général de cette loi, qui instaure un véritable droit à la réutilisation des informations publiques au profit des citoyens.

Jusqu’à présent, les institutions culturelles et de recherche se sont plutôt servies de cette exception pour restreindre la réutilisation de leurs données, ce qui a pu faire dire que la culture constituait le “parent pauvre de l’Open Data en France“.

Des tensions sont même apparues entre certains services culturels, comme des archives,  et des entreprises à qui la réutilisation des données a été refusée. Les institutions culturelles (bibliothèques, musées, archives) et les institutions de recherche sont pourtant détentrices de données de grande qualité, dont l’apport pourrait être décisif pour le mouvement de l’Open Data.

La France entr’ouverte

La France entr’ouverte

L'État a lancé son site data.gouv.fr. La France, enthousiaste, ouvre donc ses données publiques comme les États-Unis. ...

Le lancement du portail Etalab, de ce point de vue, n’a pas complètement permis de lever les obstacles à la diffusion de ces données. Le Ministère de la Culture et de la Communication, ainsi que celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche participent bien à data.gouv.fr, et mettent en ligne plusieurs jeux de données.

En effet, les ministères en eux-mêmes ne bénéficient pas de l’exception culturelle prévue dans la loi de 1978, celle-ci n’étant ouverte qu’aux profits des établissements, institutions et services relevant de leurs tutelles ou a fortiori de celles des collectivités territoriales. De ce fait, ces ministères ont dû, de la même manière que tous les autres, se plier à l’obligation, imposée par la circulaire émise le 26 mai 2011 par François Fillon, de verser leurs données dans data.gouv.fr.

La circulaire a posé dans ce cadre un principe de réutilisation gratuite des données publiques, les administrations ne pouvant imposer de redevances que si “des circonstances particulières le justifient” et par le biais de la procédure relativement lourde d’un décret du Premier Ministre.

Néanmoins l’exception culturelle, si elle ne joue pas au niveau des ministères, continue à protéger les établissements publics. En effet, la circulaire du 26 mai 2011 précise que :

L’article 11 de la loi prévoit un régime dérogatoire pour les établissements et les institutions d’enseignement et de recherche ainsi que pour les établissements, organismes ou services culturels qui fixent, le cas échéant, leurs conditions de réutilisation de leurs informations publiques. Ces établissements ainsi que les collectivités territoriales et les personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public peuvent, s’ils le souhaitent, mettre à disposition leurs informations publiques sur le portail ‘data.gouv.fr’. Dans ce cas, une convention fixe les conditions de réutilisation de ces informations.

La participation à Etalab reste donc facultative pour les organismes culturels ou de recherche et c’est bien ce que traduit la liste des contributeurs, puisque seule la Bibliothèque nationale de France y figure à ce jour, pour une partie de ses données. C’est pourtant au niveau des établissements eux-mêmes que les jeux de données les plus intéressants sont situés (catalogues, instruments de recherche, données bibliographiques, documents numérisées, etc).

Licence ouverte

Cependant, cette mise à l’écart des données culturelles et de recherche n’est pas une fatalité. Car comme j’avais déjà eu l’occasion de le dire, les établissements peuvent user des latitudes dont ils bénéficient au titre de l’exception culturelle pour poser des règles favorables à la réutilisation. Rien ne les oblige à aller dans le sens de la fermeture.

De ce point de vue, Etalab leur offre un instrument essentiel pour mettre en place des conditions ouvertes de diffusion des données : la Licence Ouverte/Open Licence, retenue pour le portail data.gouv.fr.

Cette licence Etalab présente l’intérêt d’être ancrée dans le droit des données publiques français, tout en étant compatible avec les principes de l’Open Data et les licences libres employées dans le cadre de ces initiatives. S’appuyant sur le droit à la réutilisation des données publiques reconnues par la loi de 1978, la licence Etalab permet la réutilisation gratuite, y compris à des fins commerciales, tout en maintenant les exigences minimales du texte et notamment la mention obligatoire de la source des données (paternité).

Depuis l’ouverture du portail Etalab, un seul établissement culturel avait utilisé cette licence Etalab de manière volontaire pour la diffusion de ses données. Il s’agit de la BnF pour les données bibliographiques enrichies qu’elle diffuse au format RDF par le biais du site data.bnf.fr.

Néanmoins la semaine dernière, une autre bibliothèque, la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg (BNUS) a annoncé qu’elle adoptait la licence Etalab pour se lancer dans une démarche globale de libération de ses données. Une interview de l’un des responsable de l’établissement, le conservateur Frédéric Blin, explique la démarche de l’établissement et les raisons l’ayant poussé à faire ce choix.

La première originalité de la BNUS consiste à avoir choisi d’utiliser la licence Etalab aussi bien pour diffuser les métadonnées produites par l’établissement que pour les documents numérisés eux-mêmes, qu’elle produit à partir des œuvres du domaine public qu’elle conserve.


“La décision exacte votée par notre Conseil d’administration est formulée de la manière suivante”
:

La décision exacte votée par notre Conseil d’administration est formulée de la manière suivante :

  • Les données bibliographiques (dont les métadonnées des documents numériques) produites par la BNU sont considérées comme des données publiques et à ce titre placées sous Licence Ouverte ou autre licence compatible (libre réutilisation, y compris à des fins commerciales, sous réserve de mentionner la source de l’information) ;
  • Les fichiers numériques issus de la numérisation par la BNU d’œuvres du domaine public conservées dans ses collections sont considérés comme des données publiques et à ce titre placés sous Licence Ouverte ou autre licence compatible.

Par ailleurs, Frédéric Blin explique le calcul économique qui a conduit son établissement à renoncer à tarifer les réutilisations à des fins commerciales de ses données :


Avant notre décision, nous appliquions une redevance d’usage, de l’ordre de 35€ par image [...] Cependant, les sommes récoltées par la BNU chaque année au titre de la redevance d’usage étaient minimes, de l’ordre de 3000€. Elles ne couvraient naturellement pas le temps de travail de la secrétaire chargée de gérer les factures et la correspondance avec les lecteurs, ni le temps des autres personnes – y compris de l’Administrateur – impliquées en cas de demande d’exonération ponctuelle ou systématique. En outre, nous espérons que l’abandon de la redevance d’usage entrainera une augmentation des demandes de numérisation de documents, service qui lui restera payant. Dans notre cas particulier, nous pensons qu’en autorisant la libre réutilisation, l’établissement sera au final bénéficiaire au strict plan financier.

D’autre part, nous estimons que la libération des données favorise la créativité artistique et intellectuelle, de même que commerciale : établissement public, il est dans l’intérêt de la BNU de favoriser le dynamisme économique et commercial du pays, créateur d’emplois et générateur de rentrées fiscales. La BNU devient ainsi indirectement une source d’activité économique : le retour sur l’investissement consenti par la Nation pour le financement de la BNU trouve ici une concrétisation potentiellement mesurable.

Cette logique, qui est complètement en phase avec la philosophie de l’Open Data, est hélas fort peu répandue dans le secteur culturel. J’avais eu l’occasion de montrer par exemple, à partir d’une analyse systématique des pratiques, qu’une part écrasante des bibliothèques françaises restreignent l’utilisation des œuvres du domaine public qu’elles numérisent, en recourant à des droits de propriété intellectuelle revendiqués dans des conditions contestables.

La situation n’est pas différente, sinon plus fermée encore, dans les services d’archives et de musées, et le discours au niveau central reste celui d’une valorisation économique des données, assortie d’une défense de l’exception culturelle.

Quelques établissements commencent à adopter une attitude plus ouverte, en employant notamment la Public Domain Mark, pour les documents du domaine public qu’ils diffusent.

L’exemple de la BNUS ouvre une nouvelle piste, plus générale, par laquelle la licence Etalab permet la libre diffusion à la fois des métadonnées et des documents numérisés.

L’enjeu de ces discussions n’est pas seulement juridique. Il est aussi celui de la participation des données produites par les institutions françaises, culturelles et de recherche, au mouvement général de l’Open Data et à la constitution du web sémantique.

Beaucoup de temps a sans doute été perdu en France autour de débats stériles à propos de cette exception culturelle, dont l’utilité reste encore à démontrer. Pendant ce temps, au niveau européen, une nouvelle directive sur la réutilisation des informations du secteur public est en préparation.

Dont l’un des enjeux est justement à savoir s’il faut maintenir un statut particulier pour les données de la culture et de la recherche.


Illustration par Marion Boucharlat pour Owni /-)

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« Obtenir une domiciliation, c’est une délivrance » http://owni.fr/2011/05/04/obtenir-une-domiciliation-une-delivrance/ http://owni.fr/2011/05/04/obtenir-une-domiciliation-une-delivrance/#comments Wed, 04 May 2011 06:30:54 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=51377

Bon allez, I take you. So it’s a récipissé ? Asile ?
Yes, yes, asile…
Vous faites des démarches à la préfecture ? Oui, il y a bien un rendez-vous… Do you have CMU ?

Le globish, Gérard le pratique tous les jours. Est-il serveur dans un café touristique des Champs-Élysées ? Non, salarié au service domiciliation du CASP (Centre d’Action Sociale Protestant), “la dom’“, comme ils disent entre habitués. Il entame une procédure pour Rajesh, un réfugié bangladais.

Gérard enregistre Rajesh, un réfugié bangladais.

Au 20, rue de Santerre, dans le 12e arrondissement de Paris, une mini-ville d’environ 2 500 personnes siège virtuellement dans cet immeuble de six étages, large de six fenêtres. Les personnes sans domicile fixe, qu’elles vivent sur un bout de carton dans la rue ou dans une chambre d’hôtel, sont obligées d’avoir une domiciliation, à l’exception des mineurs.

Autant qu’une obligation, c’est un droit entériné par la loi DALO sur le logement opposable en 2007 (circulaire du 25/02/08, pdf) : sans elle, impossible de faire les démarches administratives et sociales, bref d’avoir une chance de s’insérer. Cette adresse postale est à distinguer du logement, endroit physique où une personne vit.

« Obtenir une domiciliation, c’est une délivrance », résume Nadia, qui travaille aussi dans ce service. Gérard renchérit :

Certains demandeurs d’asile arrivent directement à se faire domicilier de l’aéroport, ils se passent le mot entre eux, dès leur pays d’origine parfois.

Et pour cause : le chemin pour obtenir des papiers commence là. S’ils sont déboutés, ils en auront aussi besoin pour avoir droit à l’aide médicale d’État (AME), réservée aux personnes en situation irrégulière.

Rajesh est dans le troisième cas de figure : bénéficiant du statut de réfugié politique, il est en situation régulière et peut chercher du travail en France. Problème: il ne peut plus habiter chez les personnes qui l’hébergeaient jusqu’à présent, ni recevoir son courrier et il a rendez-vous à la préfecture début mai. Alors ça urge. Il a déjà fait plusieurs autres services de dom’, sans succès.

Trois associations agréées à Paris

Seules trois associations à Paris possèdent tous les agréments : c’est une tâche lourde qui, paradoxalement, ne bénéficie pas d’aide de l’État alors que c’est une obligation. Le jeune homme s’est pointé là, sans rendez-vous. Il a eu de la chance, Gérard est un gars sympa, pas le genre à mettre des bâtons dans les roues par principe administratif : « on a le temps, il n’y a pas de raison de le faire attendre ». Et le voici invité à prendre place dans un petit bureau, aux côtés d’un ordinateur.

« Bon, name, prénom, sexe, masculin, c’est ça ? », lance Gérard en riant. Car il a beau côtoyer la misère, il se refuse pour autant à faire dans le pathos: « Nous ne sommes pas là pour les plaindre, il ne faut pas leur faire ressentir leurs difficultés. » Entre nécessaire rigueur administrative et humanité tout aussi nécessaire, la petite équipe gère les affaires.

À l'accueil. On vient parfois en famille.

Français ou globish, Rajesh comprend a minima ce qu’on lui dit

Pays d’origine, ville de naissance, les personnes du service dom’ ont acquis de solides connaissances en géographie: « Je vais passer à Question pour un champion, non mieux, Qui veut gagner des millions! ». Gérard enchaine les blagues, son interlocuteur esquisse un rire timide mimétique, engoncé dans sa doudoune et son bonnet, en dépit de la chaleur printanière. Arrivé en 2007, Rajesh comprend a minima ce qu’on lui dit, français ou globish.

Après le fichier du CASP, il faut encore remplir le « cerfa », comme ils disent entre eux pour désigner le cerfa 13482*02. Mis en place dans le cadre de la loi DALO, ce sigle désigne l’attestation d’élection de domicile, véritable sésame donnant accès aux prestations sociales : RSA, CMU, Assedics… Douze tampons pour valider le tout, un exemplaire pour lui, « you keep it always, no photocopy », un pour la CMU, « to say you have changed your address », et un dernier pour le CASP, « ça c’est pour nous ».

Internet permet de désengorger le service

Rajesh serait venu trois mois plus tôt, la procédure se serait arrêtée là. Mais il devra encore patienter quelques minutes, pour une très bonne raison : le CASP a mis en place un système destiné à désengorger le service. Une carte magnétique toute simple avec un numéro qui simplifie tant la vie des bénéficiaires du service que du personnel qui en la charge. Avant, il était nécessaire de se déplacer pour savoir si l’on avait du courrier, avec à la clé une longue attente pour parfois rentrer les mains vides. Maintenant, en se connectant sur un site Internet grâce au numéro inscrit sur leur carte, ils savent s’ils ont du courrier. Faute d’Internet, ils n’ont qu’à passer leur carte sur la borne à l’entrée du 20, rue Santerre.

Ce système est né cet hiver d’une mini-crise, provoquée par leurs obligations : le CASP domicilie 750 demandeurs d’asile qui alourdissent la charge de travail. En effet, ils restent domiciliés chez eux peu de temps, avant d’être envoyé en CADA aux quatre coins de la France. Et donc autant de réexpéditions à gérer. Quand il s’agit de faire suivre une convocation à la préfecture dont dépend le sort d’une personne, on comprend qu’ils aient « mis une alerte » cet automne. La réaction suivra quelques mois plus tard, au grand soulagement de tout le monde.

Du coup, l’augmentation de la demande est gérée avec sérénité. « À mon arrivée en 2001, la file active était de 1 600 », se souvient Gérard. Engorgés, France Terre d’asile et Dom’asile leur envoient davantage de monde qu’avant, ils récupèrent aussi beaucoup de déboutés.

« Vous n’avez pas grande enveloppe ? »

Mamoudou, le vigile présent à l’accueil est beaucoup plus tranquille : « de temps en temps, une personne s’énerve, mais cela reste rare ». De fait, c’est le calme total. Chacun leur tour, les gens se présentent au guichet lorsque leur numéro de passage a été tiré. Une femme à l’accent russe prononcé présente son pass Navigo : « Je sais pas utiliser, c’est pas moi qui a carte. » Son nom suffit à la retrouver dans la base de données. Bénéficiaire de l’AME, domiciliée depuis 2006, Nadia sait immédiatement qu’elle est sans-papier. Dans le casier à la lettre V, par chance trois lettres,  la femme n’est pas venue pour rien. Pourtant, c’est tout comme : « Vous n’avez pas grande enveloppe ? » La déception ferme son visage, elle part.

Un enfant sautille de la porte à l’aquarium, tapote la vitre devant laquelle ondulent des poissons rouges, il babille dans une langue que l’on devine de l’Est. Sa maman n’est pas d’humeur à jouer. Dans ses mains, une lettre de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) qu’elle a ouverte, en vain : arrivée d’Ukraine voilà six mois, elle ne comprend pas le français. Et puis une enveloppe de la Cour nationale du droit administratif (CNDA), de celle dont dépend votre destin : numéro de dossier, convocation, refus ? La jeune femme repart, l’enveloppe close à la main.

16 heures, les visiteurs se font plus rares, Nadia s’en va vaquer, une caisse de lettres à trier à bout de bras : il y en a trois cents à ranger tous les jours, six cents les jours de pointe, quand les impôts ou les allocations familiales arrivent. De l’administratif pour l’essentiel, même si cela n’empêche pas des missives personnelles d’arriver aussi.

Lazhar, prêt à user encore un peu plus ses mains en faisant n'importe quel boulot.

Un homme déboule, tapote nerveusement de ses doigts sur le comptoir en attendant son paquet, il se prend la tête dans les mains. C’est Lazhar, qui a plus d’énergie à revendre que son geste désespéré ne le laisse penser. « Demain, je vais en Angleterre, Inch’ Allah » s’exclame-t-il en riant.

Avec son accent à couper au couteau et sa grammaire à faire frémir les pontes de l’Académie française, on le dirait étranger. Et bien non, il nous tend une carte d’identité française, français, tendance breton rouquin tâches de rousseur d’un côté, algérien de l’autre. Pas de métier en particulier, il est prêt à faire n’importe lequel pour travailler. « Et tu loges où maintenant ? »

J’habite partout… partout !

Son cousin le rejoint, ses lettres pliées en deux sous le bras, Lazhar repart, comme il était arrivé, en trombe. Son dernier passage au 20 rue, Santerre, maison de paille d’un instant qui l’aura bien aidé.


Texte : Sabine Blanc
Photos : Ophelia Noor

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Double violation du droit pour les musulmans de l’Algérie coloniale http://owni.fr/2011/03/21/double-violation-du-droit-pour-les-musulmans-de-lalgerie-coloniale/ http://owni.fr/2011/03/21/double-violation-du-droit-pour-les-musulmans-de-lalgerie-coloniale/#comments Mon, 21 Mar 2011 08:00:35 +0000 Gilles Devers http://owni.fr/?p=51454 De grands pays musulmans accèdent à la liberté et vont construire leur avenir. Déjà, on s’apprête à leur demander des comptes : quoi, ce n’est pas encore la démocratie absolue et parfaite ?!

Vingt ans après l’écroulement soviétique, Poutine gave ses réseaux et viole les droits fondamentaux au jour le jour ; les révolutions US des anciennes républiques soviétiques, dix ans plus tard, pataugent encore dans les approximations ; ailleurs, la France-Afrique post-coloniale donne encore le rythme. Les révolutions de la Tunisie, de Égypte, de la Libye, du Yémen, de Bahreïn ont le grand avantage d’être spontanées : aucun grand frère pour vouloir ensuite récupérer les dividendes.
Bon, mais ça sera très compliqué, car ce ne sont pas seulement les dernières années sanglantes des dictatures qu’il faut gérer, mais des décennies d’oubli du droit.

Voici à ce propos quelques repères sur ce qu’a été la liberté de religion en Algérie, du temps de la colonisation : 130 ans. Deux dates principales ont marqué cette période de l’histoire : 1830, avec l’administration française de l’Algérie et 1905 avec la non-application de la loi sur la séparation de l’État et des cultes

1830 : le double langage du droit

L’histoire contemporaine de l’islam et de la France commence en 1830, par l’annexion de l’Algérie. Avec la convention du 5 juillet 1830, conclue entre le Bey d’Alger et le général en chef des armées françaises, le pouvoir français s’impose, préfigurant le rattachement de l’Algérie à la France. Dès 1848, l’Algérie devient « territoire français », divisé en trois départements, sans être pour autant placée dans une égalité de droit avec la métropole. La France, qui avait fondé un empire colonial, s’affirme volontiers comme puissance musulmane, dans une société internationale encore marquée par l’empreinte de l’empire ottoman.

Les relations de la France et de l’islam sont évidemment plus anciennes. Il s’agit d’abord des croisades et des échanges entre Haroun al Rachid et Charlemagne, ou entre François 1er et Soliman le Magnifique. C’est aussi la présence durable des Musulmans au Moyen Âge, en Provence et en Languedoc notamment. La présence française en Afrique musulmane a été permanente depuis le 19e siècle : Saint Louis, alors capitale du Sénégal, disposait d’un représentant au sein de l’Assemblée nationale. Mais ce qui allait compter le plus dans ce domaine, a été le « fait algérien », c’est-à-dire l’irruption dans la vie politique, économique, culturelle et sociale d’un pays européen, de tout un peuple musulman avec son histoire, ses coutumes, ses règles de vie et sa religion.

Un peuple très majoritairement musulman, resté encore à un stade de développement de type traditionnel, devenait partie intégrante d’un pays de culture chrétienne. L’imbrication humaine, culturelle, politique ne cessera de se développer.

Dans cette région islamisée très tôt, le fait musulman est présent dès l’origine : la Convention du 5 juillet 1830 prévoyait que la France devait « ne porter aucune atteinte à la liberté des habitants de toutes les classes, à leur religion, leur propriété, leur commerce et leur industrie ». Or, dans le même temps, le droit métropolitain est venu organiser la société algérienne, en rupture avec le droit musulman. S’il est exact que le droit musulman souffrait d’archaïsme, l’esprit de la Révolution des Lumières n’a pas eu droit de cité sur l’autre rive de la Méditerranée : l’accès à la citoyenneté française a été refusé aux personnes de confession musulmane.

C’est la doctrine coloniale : l’Algérie est française, mais le musulman relève d’un statut personnel spécifique. Le colonialisme crée les bases du communautarisme. Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 énonce : « si l’indigène musulman est français, néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane ». L’application du Concordat a été écartée sous prétexte qu’il n’existait pas d’organisations représentantes de l’islam. Aussi, l’État français a-t-il été dès le début omniprésent, y compris pour régler la pratique du culte, avec une préoccupation particulière pour le maintien de l’ordre public.

Il n’existait pas en terre algérienne de droit à la liberté de religion, et la pratique du culte, pour les musulmans, s’avérait souvent aléatoire. En 1848, a été créé un service de l’administration civile indigène, ayant pour mission le contrôle du culte musulman. L’État colonial qui régissait tout, n’allouait que des moyens très limités, et n’hésitait pas à réquisitionner les lieux de prières pour les affecter à des besoins jugés plus légitimes.

1905 : La non-application de la loi

Le schéma n’a pas été modifié par la loi de 1905, bien que l’article 43.2 invitait le gouvernement à déterminer les conditions d’application de ce texte à l’Algérie et aux colonies. C’est le décret du 27 septembre 1907 qui régla la question, pour reconnaître la loi inapplicable et organiser le statu quo, soit une religion sous contrôle de l’administration, avec de maigres financements.

La circulaire, signée par le préfet Michel le 16 février 1933, qui a institué un contrôle de l’administration sur le recrutement du personnel cultuel, a prévu des indemnités pour ce personnel qui devait prêcher dans les lieux de prière reconnus par l’État.
Ce n’est que beaucoup plus tard que le nouveau statut organique de l’Algérie, édicté par la loi du 20 septembre 1947, a rendu le culte musulman indépendant de l’État. Les projets réformateurs sont restés lettre morte jusqu’à ce que l’Assemblée algérienne crée en 1951 une commission du culte musulman, parvenant à établir le projet d’une Union générale des comités cultuels, financée par l’État. Mais le Conseil d’État a estimé en 1953 que la création par l’État de ce type de structure était contraire au principe de séparation des Églises et de l’Etat, et c’est le schéma ancien qui est resté en cours jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Dans le même temps, le maintien du statut personnel spécifique pour les musulmans faisait de la croyance religieuse une condition de la reconnaissance juridique, créant ainsi un communautarisme légal. L’accès à la citoyenneté répondait à une logique discriminatoire sur le plan religieux : les musulmans devaient renoncer au statut personnel, lié à leur foi, pour adopter celui du code civil. Ce n’est qu’à partir de 1947, que fut acceptée la citoyenneté dans le statut, c’est-à-dire le fait d’être français et musulman, mais en portant le titre de « français musulman ».

Un constat d’évidence s’impose donc : durant la période coloniale (1830-1962), les musulmans vivant sous l’autorité de l’État français ont connu un statut juridique caractérisé par une double violation du droit : le non-respect des engagements contenus dans la convention de 1830 et la non application de la loi de 1905.

> Article de Gilles Devers, initialement sur le blog Actualités du Droit sous le titre La religion dans l’Algérie coloniale

> Illustration Flickr CC Ophelia Noor et Tab59

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L’ouverture des données publiques, et après ? http://owni.fr/2011/01/18/louverture-des-donnees-publiques-et-apres/ http://owni.fr/2011/01/18/louverture-des-donnees-publiques-et-apres/#comments Tue, 18 Jan 2011 15:09:55 +0000 Daniel Kaplan http://owni.fr/?p=42301 Tous ceux qui, comme nous dans le cadre du programme Réutilisation des données publiques de la Fondation internet nouvelle génération, s’engagent en faveur de l’ouverture et de la réutilisation des données publiques, en espèrent des résultats féconds en termes de qualité de vie, de cohésion sociale, d’innovation et de croissance. Mais les choses pourraient se passer tout autrement. Nous devons commencer à penser aux conséquences de l’ouverture des données, pour nous assurer qu’elles soient majoritairement positives.

Ceux qui militent en faveur de l’ouverture des données publiques (ou non, d’ailleurs) et de leur réutilisation par les citoyens, les chercheurs et les entrepreneurs, espèrent qu’il en sortira quelque chose de bon. Ils ont sans doute une idée différente de ce qu’est ce “quelque chose”, et de ce que “bon” veut dire : je peux considérer qu’il est bon de créer de la valeur marchande à partir de données publiques gratuites, alors que d’autres ne le penseront pas. Je peux détester les “crime maps” qui se multiplient dans les pays anglo-saxons, parce qu’elles stigmatisent sans rien résoudre, mais d’autres espèrent qu’elles sauveront des vies. Jusqu’ici, tout va bien. C’est même une bonne raison de soutenir l’ouverture des données : parce qu’elle crée le terreau commun sur lequel différents acteurs, avec des motivations différentes, créeront des choses différentes – et Dieu (ou Darwin) reconnaîtra les siens au bout du compte.

CrimeMapping : le crime est partout !

Explorer les conséquences

Mais les choses ne s’avéreront pas forcément aussi simples. L’ouverture des données publiques est un processus vaste, complexe, sans fin, qui implique des milliers d’acteurs. Elle redistribue l’information, le pouvoir, les responsabilités, selon des lignes difficiles à anticiper. Ses conséquences se feront probablement sentir dans de très nombreux domaines : les métiers des opérateurs de services, les logiciels de gestion, la démocratie participative, les fiches de postes des fonctionnaires, le budget des organismes publics spécialisés dans la production de données (comme l’IGN ou l’Insee), l’économie et le contenu des médias, etc.

Et, selon la manière dont nous ouvrirons l’accès aux données, et selon ce que nous ferons après avoir ouvert cet accès, certaines de ces conséquences pourraient être moins positives que nous ne le souhaiterions.

Commençons donc à penser aux conséquences. Imaginons que nous avons gagné : une part très significative des “données de service public” sont désormais accessibles et réutilisables, brutes, en un format lisible par des machines, à un coût faible, voire (le plus souvent) nul. Avançons de quelques années : en quoi cela a-t-il changé la vie quotidienne des citoyens et des entreprises ? Et notre potentiel d’innovation et de croissance ? Et la capacité des acteurs publics à atteindre des objectifs collectifs (environnementaux ou sociaux, par exemple) ? Et la démocratie, l’esprit public ?

Un avenir radieux

Le récit dominant de l’ouverture des données publiques décrit un avenir radieux. Des groupes de citoyens mettent à jour les abus de pouvoir, et participent de manière active à des débats publics où l’échange d’avis informés permet d’aboutir à de meilleures décisions. Ils contribuent même à enrichir le stock des données publiques, comme ils le font déjà aujourd’hui sur Open Street Map. Des grandes entreprises comme des jeunes pousses créent toutes sortes de nouveaux services et contribuent à la croissance et à la qualité de la vie. Chercheurs et “data-journalistes” passent en revue des masses de données pour enrichir la compréhension, par exemple, des changements climatiques ou des dynamiques urbaines. Les institutions publiques collaborent entre elles pour éliminer des procédures redondantes et avec les entreprises et les associations pour produire de meilleurs services publics. Nourrie par un aller et retour constant d’informations, d’évaluations et d’échanges, la démocratie trouve une nouvelle jeunesse.

Nous pouvons bien sûr produire plusieurs exemples et quelques études à l’appui de ce récit. Mais si nous décidons au contraire de nous concentrer sur le côté sombre, il devient assez facile, à partir du même point de départ, de raconter une histoire tout à fait différente.

Un tour du côté sombre

Supposons, par exemple, que la plupart des services innovants fondés sur l’usage de données publiques sont proposés par des entreprises, et financés soit par leurs utilisateurs, soit par la publicité. Pour vivre, ces entreprises se focalisent sur les territoires et les populations les plus solvables. Après avoir montré que leurs services sont bien meilleurs que ceux des institutions, elles obtiennent que celles-ci n’aient plus le droit de leur faire concurrence. Le secteur public se retrouve cantonné à servir les populations délaissées par le marché, et les inégalités devant les services fondamentaux s’accroissent.

Supposons ensuite que les instituts publics dont le métier consiste à produire des données, géographiques ou statistiques par exemple, ne parviennent plus à tirer de revenus significatifs de la vente de ces données. Elles tentent, sans y parvenir, de concurrencer les cabinets d’étude ou les éditeurs professionnels. L’état des finances publiques ne permettant pas d’augmenter leur dotation budgétaire, elles doivent réduire leurs activités. Beaucoup de données cessent d’être produites, ou bien le sont par des entreprises. L’ouverture des données publiques réduirait ainsi le stock de données publiques…

La transparence peut également produire des conséquences problématiques. On peut imaginer qu’au lieu de s’engager dans des discussions ouvertes et constructives sur des sujets d’intérêt général, les groupes d’intérêt s’en servent pour contester la moindre décision, la moindre ligne de dépense publique. Au lieu d’aboutir à des décisions plus sages et plus largement soutenues, la transparence totale dresse les intérêts particuliers les uns contre les autres, inhibe la prise de décision et réduit la confiance. La nouvelle visibilité des données invite même à les trafiquer à la source, pour faire en sorte que même des analyses indépendantes, fondées sur des moyens informatiques massifs, produisent les conclusions qu’attendent les producteurs de données. L’ouverture des données publiques réduirait ainsi la fiabilité des données publiques…

Imaginons enfin que la capacité à extraire du sens à partir des masses de données disponibles demeure très inégalement distribuée – ce qui n’apparaît pas invraisemblable. Dans un article intitulé “Du pouvoir à ceux qui l’ont déjà ?” (“Empowering the empowered ?”), Mike Gurstein cite l’exemple d’une recherche sur la numérisation des registres fonciers de Bangalore (Inde) :

La mise en accès de l’information sur la propriété foncière à Bangalore a principalement permis aux personnes les plus aisées à quelques entreprises à évincer les populations pauvres et marginalisées de leurs terres.

Et ici, en Europe, des lobbies bien financés ne sauront-ils pas, aussi, faire un usage plus efficace des données que de petits groupes locaux ? Les chercheurs qui voudront traiter des données ne devront-ils pas chercher leurs financements chez des acteurs qui auront intérêt à leurs résultats ? Peut-être la “sagesse des foules” corrigera-t-elle ces déséquilibres, mais rien n’est moins sûr.

Data lassitude

Lorsque j’ai présenté ces deux premiers scénarios à l’équipe de la Fing, elle en a immédiatement produit un troisième, qui décrit une adoption modeste des données publiques, produisant des résultats anecdotiques ou décevants.

Les données publiques sont si nombreuses, complexes, hétérogènes, difficiles à interpréter, que très peu d’acteurs parviennent à réunir le courage ou les ressources pour les travailler sérieusement. Les premières applications que nous voyons aujourd’hui candidater à des concours tels qu’Apps for Democracy ou Show Us a Better Way en restent à l’état d’aujourd’hui, celui de prototypes, rarement exploitables par des citoyens ordinaires. La plupart ne se convertissent jamais en services opérationnels. De magnifiques visualisations font plus pour la célébrité de leurs concepteurs que pour créer une compréhension partagée de phénomènes complexes. Seuls quelques lobbies plongent dans les données, pour en ramener les résultats qu’ils savaient vouloir y trouver, et sans grand risque de trouver contradicteur. Après quelques contributions sur des sites comme FixMyStreet, les citoyens se fatiguent de faire le boulot qu’ils attendent de leurs municipalités, surtout quand celle-ci est plus indifférente que réactive. L’ouverture des données publiques ne fait pas beaucoup de mal, mais pas beaucoup de bien non plus.

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Bifurcations

Chacun pourra croire qu’un de ces scénarios (ou d’autres encore) a plus de chances de se réaliser que les autres. Mais sur quelles bases ? Quelles actions, décisions, conditions, ont le plus de chances de nous engager dans une voie plutôt que l’autre ? Peut-on avoir des conséquences positives sur certains plans, négatives ailleurs, nulles ailleurs encore ?

Nous commençons à peine à envisager ces questions. Et pourtant, il faut le faire, maintenant, ou courir le risque de graves déconvenues. Il y a plusieurs manières d’ouvrir les données publiques, et beaucoup de manières d’accompagner cette ouverture. Si, par exemple, on n’ouvre les données que dans l’espoir de réduire les dépenses publiques en transférant la fourniture de nombreux services au privé (voire au secteur associatif), alors la probabilité de voir s’engager les cercles vicieux décrits dans le scénario “sombre” devient très élevée.

Nous devons soulever quelques questions difficiles. Comment le rôle des acteurs publics doit-il évoluer si les entreprises et les citoyens gagnent en capacité d’action grâce aux données qu’ont produites ces mêmes institutions ? Que faudrait-il faire pour élever la capacité de tous de lire et exploiter des données, et qui doit-il le faire ? Quelles sont les limites de la transparence : la vie privée, la sécurité, la possibilité de peser tranquillement des décisions difficiles – ou bien n’y a-t-il pas de limite ? Comment financerons-nous demain la production de données du domaine public ? Comment développer une “culture des données” qui nous rendra même capables de discuter comment les données “brutes” elles-mêmes sont produites – puisque nous savons (au moins depuis Einstein) qu’une donnée est toujours construite par l’observateur.

Acteurs et leviers

La liste qui précède n’est pas close. Bien d’autres défis se feront jour à mesure que les Etats, les collectivités locales, les laboratoires et même des entreprises livreront leurs données, et que ces citoyens, des entreprises, des chercheurs, des activistes, des lobbyistes ou des artistes s’en empareront.

Pour commencer à identifier et à traiter ces questions, nous avons d’ailleurs intérêt à les penser à partir des acteurs : qui est concerné, qui a intérêt à la production, la circulation, la compréhension ou l’exploitation de quelles données ? Ouvertes ou non, les données n’existent pas toutes seules, elles ne circulent pas en apesanteur, mais au contraire dans un espace parcouru de courants, de champs de force, où des intérêts, des habitudes, des capacités, coopèrent ou luttent entre eux. Personne ne tire le même pouvoir des mêmes données, dans les mêmes circonstances.

Nous pouvons également penser en termes de leviers, c’est-à-dire des décisions, des structures et des actions qui peuvent influer sur les résultats de l’ouverture des données publiques.

Certains de ces leviers sont déjà connus, parce qu’ils émergent naturellement dès que l’on pense à ouvrir les données : les conditions d’accès (licences et tarifs), le financement des producteurs spécialisés de données, les manières de stimuler l’”écosystème” des réutilisateurs de données publiques… Tout le monde organise des concours afin de stimuler l’inventivité des entrepreneurs et développeurs, mais comment aller chercher d’autres groupes, moins motivés a priori ? Faut-il organiser des ateliers ou des sessions de formation à destination d’associations, de PME non numériques, de médias locaux ? Faut-il aider certains réutilisateurs plutôt que d’autres ? Faut-il, comme le propose Tim Davies, travailler sur des interfaces communes qui facilitent l’accès aux données de la part de non-spécialistes, sans trop influer sur l’interprétation possible de ces données ?

D’autres leviers ont un caractère plus politique, plus large. Comment diffuser une “culture des données” et éviter que la fracture sociale ne passe par la capacité à comprendre les données ? Cette “culture” doit-elle inclure une réflexion sur le bon niveau de transparence à obtenir des acteurs publics (et privés) ? Et d’ailleurs, certaines données produites par les acteurs privés doivent-elles devenir publiques ? – je pense à Adam Greenfield, s’étonnant que les données que produisent des capteurs privés installés dans l’espace public demeurent entièrement invisibles. Quel est, aussi, le statut des données produites par les citoyens ? En définitive, verrons-nous émerger une fonction de régulation du paysage des données ouvertes ?

A nouveau, la liste n’est pas close. Cet article a précisément pour but de l’ouvrir. Commençons dès aujourd’hui à explorer ensemble ce qu’il se passe après l’ouverture des données publiques. Pour pouvoir, dans quelques années, nous montrer fiers d’avoir contribué à engager ce mouvement.

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Billet publié intialement sur Internetactu
Captures d’écran : Internetactu
Crédits photo : Internetactu“>Suzannelong, cc-by-nc-sa

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Ebook: le cahier 2010 Wikileaks http://owni.fr/2010/12/27/ebook-wikileaks/ http://owni.fr/2010/12/27/ebook-wikileaks/#comments Mon, 27 Dec 2010 17:28:53 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=40142 Après avoir méticuleusement œuvré dans l’arrière-cour de l’administration américaine (en dévoilant la bavure d’un hélicoptère Apache de l’armée en Irak, puis en publiant des milliers de documents relatifs aux conflits afghan et irakien), WikiLeaks a définitivement enfoncé la porte de la sphère publique à la fin du mois de novembre. En s’associant au Guardian, au New York Times, au Spiegel, au Monde et à El Pais pour publier les mémos diplomatiques les plus significatifs du Département d’Etat, l’organisation de Julian Assange a réussi son triple pari : capter l’attention des médias, qui ont enfin réussi à prononcer le nom de WikiLeaks et guettent désormais le moindre rebondissement ; celle de la foule, qui distingue désormais les détails du paysage ; celle de la classe politique enfin, qui découvre la portée politique d’Internet tout en cherchant un moyen de brider ce pouvoir de nuisance qui fait peur aux États.

Beaucoup de choses ont été écrites sur WikiLeaks, par cercles concentriques : il y a eu le traitement des révélations contenues dans les documents, puis les commentaires sur le processus de publication, auxquels sont venus se greffer les commentaires de commentaires, dans une vertigineuse mise en abyme. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons parcouru nos archives et compilé les meilleurs articles sur WikiLeaks publiés sur OWNI les six derniers mois. Bonne lecture.

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La crise belge par les data http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/ http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:05:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27127 « Préparons-nous à la fin de la Belgique ! » C’est en substance ce qu’on déclaré les leaders francophones ces derniers jours, un refrain que les Flamands entonnent depuis déjà quelques décennies. Faut-il couper la Belgique parce que ces entités constituent des nations différentes, ou bien faut-il se préparer à construire de toutes pièces de nouvelles identités pour remplacer la belge ?

Laissons parler les données. Nous avons mis en place une application permettant de comparer les chiffres relatifs aux trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles-capitale) sur certains thèmes.

Sur certains aspects, on constate de fortes disparités. L’impôt fédéral payé par habitant, par exemple, est 25% supérieur en Flandres par rapport à la Wallonie. Résultat, la solidarité nationale peut apparaître à sens unique, les Flamands payant 1,2 milliards d’euros transférés sous forme de ‘rééquilibrage’ aux francophones.

Et pourquoi les Wallons payent-ils moins d’impôts ? Parce qu’ils travaillent moins! Le taux d’activité (ceux au travail + ceux cherchant un emploi) est de près de 10 points supérieur en Flandre. On comprend mieux ainsi ce sur quoi repose le ressentiment des Flamands.

Pas la peine de stigmatiser les Flamands en les traitant de « populistes égoïstes » pour autant, comme on peut le lire dans les colonnes du Monde. Leurs revendications font échos à des problèmes réels, pour lesquels ils considèrent que les solutions proposées ne suffisent pas. On ne peut pas en dire autant de la frénésie anti-gitans qui sévit en France, où des politiques, soutenus par une bonne partie de la population, s’en prennent à un groupe pour des motifs totalement farfelus et dénués de réalité statistique (« ils ont des trop grosses voitures ! »)

Les Belges ne se marient pas non plus entre eux. Moins de 0,5% des mariages belges concernent des relations entre résidents flamands et wallons. (Cette statistique a été compilée en fonction des lieux de résidence, pas de naissance, si bien qu’un Flamand vivant en Wallonie puis s’y mariant à une Wallonne n’est pas comptabilisé). Cela reste environ 6 fois moins que le nombre de mariages conclus entre un Belge et un étranger ! Pour donner un élément de comparaison, cela correspond plutôt au taux de mariages entre Français et Britanniques (source INSEE).

In Potjevleesch we trust

Malgré ces écarts flagrants, les Belges restent soudés autour de valeurs… belges. Loin d’être anodins, les habitudes de consommation sont étrangement similaires. Si vous regardez l’onglet “consommation” de l’appli, vous verrez que les différences entre Flandre et Wallonie ne divergent jamais de plus de 10%.

Si l’on s’intéresse à la charcuterie, par exemple, on constate que l’on dépense sans compter des deux côtés de la frontière linguistique : 475€ en Flandre et 468€ en Wallonie par an et par ménage. Bruxelles, avec tous ses étrangers eurocrates qui ne comprennent rien au filet américain, au filet d’Anvers ou aux pâtés queue de charrue, ne dépense qu’un maigre 300€, tout comme les Français (357€ selon l’INSEE [XLS]).

Et Bruxelles ?

En plus d’être la plus importante des capitales de l’Union Européenne, Bruxelles est à la fois la capitale de la région flamande et la principale ville francophone. Véritable nœud gordien des relations entre communautés linguistiques, la ville semble être au cœur des revendications des uns et des supplications des autres.

L’application permet de choisir où vous souhaitez voir Bruxelles : indépendante, wallonne ou flamande. On constate qu’en dehors du tourisme, où Bruxelles et la Flandre concentrent la majeure partie des nuitées, et du nombre d’étrangers, faire varier l’appartenance de la ville vers l’une ou l’autre région n’influence que peu les équilibres.

On pourrait penser que cet état de fait tient à la relative pauvreté de la ville. Son centre, loin d’exulter de richesses comme à Trafalgar Square ou à la Concorde, fait plutôt penser à une ville post-socialiste ayant raté sa reconversion. Comparée à Anvers, principale ville de Flandre, Bruxelles n’attire pas l’oeil. Plus pauvre relativement au nombre d’habitants, c’est à se demander pourquoi son statut importe tant aux deux camps.

La raison tient au découpage anachronique des frontières administratives. Tout comme il est inconcevable de limiter Paris à ce qu’on trouve à l’intérieur du périphérique, la région Bruxelles-Capitale souffre d’atrophie sur ses 160 km² (à peine 50% de plus que Paris intra-muros). Prise dans son ensemble, la métropole bruxelloise retrouve l’étoffe d’une ville d’importance mondiale, produisant le quart de la richesse belge.

Le problème de la ville tient à son corset flamand : l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), situé en Flandre, accueille l’expansion territoriale de la capitale et concentre en particulier ses plus gros contribuables qui, à la manière d’une ville américaine, délaissent le centre. Bruxelles se trouve ainsi à cheval entre la Flandre et la région Bruxelles-Capitale, ce qui ne facilite pas la division du pays et explique pourquoi la scission de BHV monopolise depuis plus de 3 ans la vie politique du pays.

Notre dossier, qui accompagne cette application, est constitué de trois articles de blogueurs belges qui nous plongent dans l’actualité de leur pays. Qui n’en est plus un ?

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Serious Games: Etats-Unis 1 – France 0 http://owni.fr/2010/07/19/serious-games-etats-unis-1-france-0/ http://owni.fr/2010/07/19/serious-games-etats-unis-1-france-0/#comments Mon, 19 Jul 2010 08:15:52 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=22319 Utiliser le jeu pour éduquer. Dit comme ça, rien de révolutionnaire. Pourtant, la mode est définitivement à ces “serious games” (en bon français “jeux sérieux”), utilisés dans les institutions, les entreprises ou encore les hôpitaux. Un rapport de l’IDATE (Institut de l’Audiovisuel et des Télécommunications en Europe) publié le 7 juillet dernier estime la taille du marché mondial à 1,5 milliards d’euros, et anticipe une multiplication par 7 de ce chiffre d’ici à 2015.

L’origine des serious games est ancienne. On en trouve la trace dès 1970, dans l’ouvrage de l’américain Clark Abt, intitulé Serious Game. Il pose les bases du concept : le serious gaming consiste à utiliser le caractère divertissant du jeu pour ls “sublimer” à des fins d’apprentissage, de formation ou d’entraînement.

Aujourd’hui, des hôpitaux aux ONG en passant par les écoles, les serious games sont de plus en plus répandus. Sauf qu’entre-temps, ils ont emprunté le chemin du numérique et c’est désormais sur les consoles et les ordinateurs qu’ils se déclinent. Fort logiquement, le gouvernement s’intéresse de plus en plus près à ce nouveau moyen de formation, d’entraînement, d’éducation… mais aussi de communication.

En bonne place dans le volet “économie numérique” du Grand Emprunt

Ils figurent ainsi en bonne place dans le volet “Économie Numérique” du Grand Emprunt, piloté par Nathalie Kosciusko-Morizet. En juin dernier, dans l’émission Buzz Média Orange-Le Figaro, la secrétaire d’état enjoignait les investisseurs à se pencher sur le cas des serious games, délaissés par les financiers, dans un pays qui compte pourtant de grands studios de développement de jeux vidéo “traditionnels”. La liste des projets a d’ailleurs été récemment rendue publique.

L’administration n’a en réalité pas attendu NKM puisque c’est dans une relative discrétion que, depuis plusieurs années, elle commande et finance des serious games. En plus de Retraite vers le futur, sur lequel nous revenons en détail dans ce dossier, ce sont plusieurs de ces jeux qui ont été développés pour l’administration.

Cyber-Budget, sorti en 2006 pour le compte du ministère du Budget (à l’époque dirigé par Jean-François Copé) avait pour vocation de familiariser les Français avec les contraintes budgétaires de leur pays et avec quelques notions de finance publique. Malgré un petit bug à l’allumage, c’est sans doute celui qui a été la plus grande source de satisfaction. Car outre l’échec de Retraite Vers Le Futur, l’autre serious game commandé récemment par l’administration n’a pas non plus été une réussite.

Chouette, Cyberbudget !

Destiné au ministère du même nom, Mission Défense ne semble en effet pas avoir rempli ses objectifs. Peu de visites, un gameplay médiocre, une ergonomie douteuse et un message difficile à saisir, c’est le constat que faisait Jean-Marc Manach juste après la sortie du jeu.

Plus récemment, c’est 2025exmachina qui a été sous les feux de la rampe. Sorti il y a quelques semaines à peine – en plein pendant les polémiques liées à la vie privée sur Facebook – son enjeu est important et sa volonté extrêmement louable. Non, les réseaux sociaux ne sont pas d’infréquentables nids de pédophiles, et oui, il faut faire attention aux photos, liens et autres éléments susceptibles de se retourner contre nous. Le propos en revanche, est sans doute un peu caricatural, et le jeu particulièrement peu ergonomique, immersif et palpitant. Le temps fort du jeu résidant dans une “timeline” d’un Facebook caricaturé qui défile et où le joueur doit choisir si oui ou non il doit partager cette photo de lui ivre-mort… C’est sans surprise qu’on retrouve derrière cette initiative la controversée CNIL et la très rigolote Curiosphere.tv (qui le diffuse). Pas étonnant non plus que ce serious game ait été réalisé dans le cadre du projet Internet Sans Crainte, qui a également accouché de Net Écoute, qui nous a bien fait rire récemment.

A l’exception de 2025exmachina, c’est Paraschool, filiale d’Editis spécialisée dans les solutions éducatives en ligne, qui a conçu tous les jeux précédemment évoqués.

America’s Army, une autre dimension

Pourtant, les serious games peuvent être un succès. Si on traverse l’Atlantique, on y trouve le serious game le plus célèbre et le plus joué du monde : America’s Army. Développé par l’armée américaine, il est un des jeux en ligne les plus joués au monde et compte plus de dix millions de joueurs. Lancé en 2002, il répond à trois objectifs : instrument de communication, il permet également de collecter des données sur les jeunes Américains et sert aussi d’instrument de recrutement : les meilleurs joueurs sont invités à rejoindre les rangs.

La différence avec le piteux Mission Défense ? Ce n’est pas une interface en Flash – rigide, peu pratique, qui s’utilise uniquement depuis son navigateur et qui sacrifie complexité et aspect immersif sur l’autel de la simplicité du développement, mais un véritable jeu vidéo installable sur son ordinateur, gratuit, disponible sur Internet. Une autre différence pourra être trouvée du côté du budget, puisque America’s Army aura coûté près de 33 millions de dollars sur huit ans au contribuable.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

AAMC Pipeline Race : un exemple de mission que vous devez accomplir, visible sur la chaîne YouTube d’America’s Army

Bien d’autres serious games rencontrent un beau succès aux États-Unis, de Revolution, développé par le MIT et l’Université du Wisconsin, chargé de sensibiliser les élèves à la guerre d’indépendance américaine à Urban Resolve 2015, mettant l’action sur la gestion des villes par l’armée américaine, il serait difficile d’en faire une liste exhaustive. De plus, les serious games sont fortement présents sur la scène médiatique : America’s Army parraine ainsi de nombreux évènements sportifs, culturels…

Pourquoi un tel succès aux États-Unis alors qu’ils ne font encore que vivoter en France ? Noah Falstein, expert américain du secteur, cité par RSLN esquisse quelques pistes de réflexion. À l’inverse de la France où on a tendance – dans tous les domaines – à les opposer, les serious games sont avant tout pensés comme des films où on ne retrouve pas l’opposition stérile entre rentabilité et visée éducative.

La force des serious games est de toucher ceux qui ont l’habitude des jeux vidéos, mais également ceux qui n’en ont pas l’habitude. De plus, la génération des jeunes biberonnés aux jeux vidéos est de plus en plus importante dans la vie active et sur le marché du travail. Alors, mode passagère ou réel mouvement de fond ? Selon Henry Jenkins, professeur au MIT, c’est plutôt la deuxième solution qui prévaut :

Dans une société de chasseurs, vous jouez avec un arc et des flèches. Dans une société de l’information, vous jouez avec l’information.

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Image CC Flickr Stéfan

MAJ : le 22 juillet suite à l’appel de Paraschool.

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Des licences libres pour concilier innovation sociale et économique http://owni.fr/2010/06/14/des-licences-libres-pour-concilier-innovation-sociale-et-economique/ http://owni.fr/2010/06/14/des-licences-libres-pour-concilier-innovation-sociale-et-economique/#comments Mon, 14 Jun 2010 17:19:52 +0000 Regards Citoyens http://owni.fr/?p=18650 Le mouvement OpenData vit depuis quelques mois un véritable essor avec l’adoption de bonnes pratiques par un nombre croissant d’institutions nationales comme locales. Ainsi, des initiatives fleurissent en Angleterre, au Canada, en Australie et même en Italie. OKFN signalait ce week-end que le hashtag #OpenData fait l’objet d’un tweet toutes les 2 minutes en semaine en moyenne ! Partout ces actions suivent une démarche identique, adoptant les critères bien définis du savoir ouvert, conditions nécessaires au développement d’usages innovants socialement et économiquement : diverses études universitaires ou institutionnelles en préparation l’illustrent bien.

Faire travailler les citoyens, mais encore faut-il qu’ils s’y retrouvent

Poster de l’Open Data CC-nc-by-sa Lifesized

En France, les initiatives commencent à poindre mais sans toujours suivre ces mêmes démarches : nous l’avons vu la semaine dernière avec le cas parisien. L’initiative de Rennes Métropole avec l’ouverture des données de son opérateur des transports en commun offre de meilleures perspectives. Lors d’une intervention au GFII, l’opérateur technique (In-Cité) impliqué dans le projet de libération des données rennaises a expliqué que le projet était né d’une constatation : les collectivités locales ne seront pas capables de financer des applications web ou mobiles pour toutes les plateformes ou tous les usages. De plus, lorsqu’elles les financent, ces applications ne correspondent souvent pas aux usages attendus par les citoyens. Pourquoi donc ne pas laisser ces citoyens technophiles développer ces applications en leur fournissant les données ?

Mais les citoyens sont-ils prêts à travailler sans contrepartie pour leurs collectivités ? Il existe un monde où des développeurs créent sans attendre plus que le respect de leur travail, une certaine reconnaissance ou simplement la satisfaction d’avoir aidé et contribué à un objectif commun : la communauté du Logiciel Libre. Un gros travail de mutualisation des connaissances juridique a été fait afin de trouver des licences qui soient équitables pour le plus grand nombre : les licences GPL ou BSD sont des exemples notables de ce travail de mutualisation. Le succès rencontré par ces licences dans le monde du logiciel a commencé à irradier d’autres sphères : la documentation, la création artistique, l’éducation, la connaissance, la cartographie

Innovation sociale et innovation économique vont de pair

Wikipédia ou OpenStreetMap sont deux projets emblématiques de cet engouement citoyen. Comme dans le Logiciel Libre, ils autorisent l’utilisation commerciale de leurs travaux. Les sceptiques avaient prédit une exploitation commerciale généralisée de ces travaux, mais force est de constater qu’il n’en est rien. Les licences qu’ils ont choisies (CC-By-Sa pour le premier, bientôt ODBL pour le second) garantissent un juste équilibre : si une entreprise cherche à s’enrichir injustement à partir de leur travail, les sources étant accessibles à tous, une alternative économiquement raisonnable apparait.

Le fait que ces licences permettent une utilisation commerciale est au contraire source d’innovation. Des éditeurs peuvent proposer des livres ou des applications mobiles à partir de ces travaux. Le service apporté valorise ainsi le travail réalisé dans ces projets. Souvent, une partie du bénéfice réalisé est même reversé pour contribuer à ces projets et en pérenniser le travail.

Clause Non Commerciale : un risque juridique

Comme nous l’évoquions dans un précédent billet, associer la réutilisation des données à des conditions de non réutilisation commerciale pose des problèmes juridiques importants. Avoir recours à la publicité pour financer les frais d’hébergement d’un service à but non lucratif représente-t-il une activité commerciale ? Utiliser des données publiques pour générer du trafic et ainsi offrir plus de visibilité à ses activités commerciales peut-il être considéré comme une activité non-commerciale ? Pour les plus petits utilisateurs, les clauses NC seront souvent un frein à l’adoption des jeux de données proposés. Ce serait donc instaurer une discrimination aux usages.

C’est conscient de ces risques que des projets comme Wikipédia ou Open Street Map ont fait le choix de ne pas utiliser ce type de restrictions. Lorsque des administrations optent pour des licences interdisant les usages commerciaux, elles font donc le choix de se couper de ces projets emblématiques. Elle ne se donnent pas la chance de profiter de la visibilité offertes par ces sites (150 millions de visiteurs uniques pour Wikipédia). C’est d’autant plus dommageable que le travail effectué par ces communautés pourrait constituer un atout majeur pour les données publiques. En rendant accessible les données cartographiques à tous et sans discrimination, OpenStreetMap propose une alternative plus que crédible face aux services de cartographies publiques. Faire le choix d’être incompatible avec leurs licences pourrait être interprété plus que négativement par ces communautés. Ainsi, alors que l’Open Data vise à rapprocher les citoyens de leurs administrations, le choix de la clause NC aurait plutôt tendance à les éloigner.

Faire payer les usages commerciaux pour financer la gestion de frais de licences ?

Extrait de Open Data Impacts Timeline CC-nc-by-sa PracticalParticipation.co.uk

La volonté de certaines administrations d’imposer cet usage NC part d’un constat erroné : la mise à disposition de données, seule pouvant être soumise à redevance, coûte beaucoup d’argent ; les entreprises en tirant profit doivent donc participer a leur financement.

Gordon Brown, l’ancien premier ministre anglais, l’a affirmé lors d’un discours en mars 2010 : pour mettre à disposition les données publiques, il n’y a nul besoin d’infrastructures informatiques coûteuses. Son successeur partage d’ailleurs ce constat et poursuit la politique engagée. L’une de ses promesses de campagne était de rendre accessibles et réutilisables les données financières de Grande Bretagne. Ayant identifié les frais de bande passante comme un potentiel coût important, le gouvernement à choisi d’utiliser un protocole d’échange peer-to-peer (BitTorrent) pour en limiter les dépenses. Si la mise à disposition était réellement coûteuse, la décision aurait sans doute pris plusieurs années, or 26 jours ont suffit à la nouvelle administration pour mettre en œuvre cette promesse de campagne.

Nous l’avons vu, le coût marginal de la mise à disposition est quasi-nul, dès lors qu’il s’agit de données numériques. Que justifie alors le prix parfois élevé des redevances demandées par certains organismes publics pour des jeux de données déjà constitués ? Dans son discours, Gordon Brown pointait la réticence des administrations à perdre du contrôle sur leurs données. De notre côté nous pensons qu’elles résultent également d’un calcul inexact : le prix des licences est fixé notamment pour financer le coût de leur gestion : gestion de la facturation, juristes, comptabilité, relations clients… Mais en fonction du nombre de licenciés (souvent rebutés par la complexité des méthodes de facturation), les revenus liés peuvent ne pas couvrir ces frais, rendant alors cette gestion contreproductive.

Deux choix de licences s’offrent aux administrations

Il a été démontré par Thomas Saint Aubin que le droit français des données publiques n’est pas incompatible avec les licences libres. L’Open Data peut donc exister en France. Se pose simplement, pour les administrations voulant franchir le pas, la question de savoir sous quel type de licence rendre public leurs données. Deux choix s’offrent à elles :

  • Utiliser des licences offrant le maximum de libertés aux ré-utilisateurs. Dans ce cas, les institutions publiques demandent juste le respect de la loi : citer la source et la date des données sans en altérer le sens. Ce choix est celui qui permettra sans doute le plus de ré-utilisation : les problèmes de compatibilité entre jeux de données sont levés et il est possible de les mélanger avec des données privées non-diffusables. C’est le choix qui a été fait par la majorité des institutions publiques anglo-saxonnes en adoptant des licences proches de la CC-by, CC-zero ou autre PDDC.
  • Utiliser des licences imposant un devoir contributif aux ré-utilisateurs. En utilisant les données publiques, le ré-utilisateurs s’engagent à rediffuser les données modifiées en redonnant à leurs utilisateurs les même libertés dont ils ont bénéficié. C’est le type de licence employé par les projets citoyens comme Wikipédia ou OpenStreetMap : CC-by-sa ou ODBL. Ce choix pourra permettre à tout utilisateur des données modifiées et rediffusées de vérifier la bonne application de l’article 12 de la loi de 1978 imposant la non-altération du sens. Il permettra en plus aux administrations de mieux suivre les usages faits à partir de leurs données, et de pouvoir profiter des éventuelles améliorations effectuées. En revanche, ce type de licence empêche les réutilisateurs de s’accaparer les données ou de les mélanger avec des données non diffusables. Pour ce type d’usages, les administrations publiques pourraient envisager de lever l’obligation contributive contre le paiement d’une redevance.

Pour s’inscrire dans le mouvement de l’Open Data, les administrations françaises doivent faire les bons choix de licence. Comme nous venons de le voir, elles peuvent donner un petit avantage soit à l’innovation économique en permettant à tous d’utiliser les données produites, soit à l’innovation sociale, en demandant aux ré-utilisateurs de participer à l’effort de qualification des données. Le choix des licences libres permettra de marquer une préférence sans pour autant opposer citoyens, moteurs de l’innovation sociale, et entreprises, vecteurs de l’innovation économique. Au sein même du mouvement mondial qui se construit, elles peuvent donc faire preuve d’audace.


> Article initialement publié sur Regards Citoyens

> Illustrations CC Flickr par Lifesized, PracticalParticipation.co.uk, T.R.G.

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#opendata 2/2: L’internationale de l’opendata ? http://owni.fr/2010/05/31/opendata-22-linternationale-de-lopendata/ http://owni.fr/2010/05/31/opendata-22-linternationale-de-lopendata/#comments Mon, 31 May 2010 06:47:04 +0000 Caroline Goulard http://owni.fr/?p=17022 Cet article continue l’analyse du rapport de Becky Hogge publié par l’Open Society Institute. On s’intéresse ici aux conditions qui font qu’un pays décide de libérer ses données.

Conditions d’exportabilité de l’ouverture des données

La seconde partie du rapport de Becky Hogge étudie les conditions de réussite d’une transplantation de la stratégie d’ouverture des données en dehors des démocraties occidentales.

Pour cela l’auteur de l’étude a conduit des entretiens avec un grand nombre d’experts – juristes, responsables de systèmes informatiques, spécialistes de la transparence fiscale ou de la gestion budgétaire, représentants de la société civile, etc., – de différents pays -Inde, Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, etc.-.

Grille de questionnement pour évaluer les possibilités d’implantation d’une stratégie d’opendata

Le rapport préconise bien sûr de porter attention aux trois principaux niveaux d’influence dans la première partie de cet article :

  • Les sociétés civiles locales s’approprient-elles déjà les bases de données gouvernementales existantes ? Quelle est la culture technologique de la société civile ? Existe-t-il des groupes de « civic hackers » ? Existe-t-il des mouvements anti-corruption dans le pays ? et peuvent-ils devenir des partisans de l’opendata ?
  • De quelle influence disposent les échelons intermédiaires du pouvoir ? S’intéressent-t-ils à l’ouverture des données ? Y ont-ils intérêt ? Où en est l’e-gouvernement ? Les sphères intermédiaires de l’administration sont-elles en relation avec la société civile ?
  • Les dirigeants politiques considèrent-ils l’opendata comme une source d’avantage politique ? Quels leaders politiques gagneraient à l’ouverture des données ? Lesquels y perdraient ?

Il introduit également un quatrième acteur : les bailleurs de fonds internationaux.

  • Quel niveau d’implication des bailleurs de fond internationaux dans le budget du pays ? Les donateurs sont-ils eux même transparents sur l’argent versé ? L’administration rend-elle des comptes sur l’utilisation des aides internationales ? La transparence a elle été posée comme condition à l’octroi d’aides financières ?

Il insiste sur l’importance de la collecte des données et leur statut juridique.

  • Existe-t-il une collecte de données publiques institutionnalisée ? Les données sont-elles mises à jour régulièrement ? Sont-elles numérisées ? Le sont-elles dans un format ouvert et lisible par les machines ? Sont-elles protégées par copyrights ? Font-elles déjà l’objet de transactions commericales ? Quelles sont les lois du pays concernant la propriété intellectuelle ?

Enfin, le rapport recommande d’étudier le besoin de données des utilisateurs finaux.

  • A quel point la presse est-elle libre dans le pays ? Trouve-t-on facilement de l’information sur l’activité gouvernementale sur Internet ? Existe-t-il des groupes de citoyens qui pourraient avoir usage des données libérées ? Quel est le niveau de pénétration de l’internet et du téléphone mobile dans le pays ?

Les barrières à l’instauration d’une politique de libération des données

L’Open Data Study pointe également certaines réserves. Tout d’abord, une partie des experts interrogés ont souligné que dans certains pays aux législations fragiles ou récentes, une stratégie de libération des données publiques pourrait parasiter le combat pour le droit à l’information.

D’autres ont fait valoir que dans les pays en voie de développement économique, l’ouverture des données publiques était loin d’être un levier prioritaire pour améliorer la croissance.

Beaucoup d’experts sont sceptiques sur la disponibilité des données publiques, et dans un format numérique. Il n’existe pas partout de gros volumes de données qu’il suffirait de libérer. Bien souvent la matière première fait défaut, elle n’existe pas où elle est de mauvaise qualité (format papier, problèmes orthographiques, approximations).

L’International Budget Partnership rapporte que 80% des pays ne rendent pas suffisament compte de leurs dépenses budgétaires. Cet organisme militant pour l’accès du public aux données budgétaire fournit aussi une carte des pays les plus transparents.

Déterminer des fenêtres d’opportunités

Aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, l’ouverture de portails de données publiques a été favorisée par l’agenda politique.

L’Open Data Study passe en revue quelques typologies de la vie politique d’un pays qui se prêtent particulièrement bien à une stratégie d’ouverture des données publiques :

  • Le contexte d’une toute nouvelle administration portée au pouvoir par un mandat populaire pour remplacer un régime corrompu ou politiquement désavoué peut jouer en faveur de l’opendata.
  • Dans les pays en rapide croissance économique, l’ouverture des données publiques peut être perçu par les dirigeants comme un moyen de lutter contre la corruption, obstacle à l’efficience économique (le rapport prend l’exemple de la Chine)
  • La pression régionale peut aussi jouer un rôle, par exemple en Malaisie qui a conscience d’être à la traîne de ses voisins en matière de transparence.
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Social networks: the tools for a global rebellion? http://owni.fr/2010/04/14/social-networks-the-tools-for-a-global-rebellion/ http://owni.fr/2010/04/14/social-networks-the-tools-for-a-global-rebellion/#comments Wed, 14 Apr 2010 14:24:21 +0000 Admin http://owni.fr/?p=12335 According to Dedefensa, a website analyzing defense-related and geopolitical issues, the Western civilization is running out of steam, proving the failure of a system based on « technologism » and communication. Salvation will come from alternative networks that have attained unprecedented maturity and strength on the Internet.


The elections of presidents Sarkozy and Obama were both based on a strong hope for a rapid change. Disappointment ensued and both administrations quickly lost energy. How are their comparable stories a symptom of our political system?

We are not living in a diversified world anymore. Not even in a globalized one or in a world at all. We live in a system that acquired, thanks to its power, a total autonomy, to the point where we can ask ourselves if we are not witnessing a phenomenon in itself, which no human entity can control and that possess an automated way of thinking, maybe more, while remaining totally nihilistic when it comes to its ambitions.

Two forces govern this system. The first is the system of technologism, this extraordinarily powerful dynamic which is run by technologies and animate most things we continue to call ‘politics’. The other one is the system of communication, which governs a flow of information that takes the form of instructions aiming at “dressing up” the effects of the system of technologism in a way that is acceptable for the human mind, so as to prevent it from any fundamental criticism.

In this ensemble, ‘politicians’, those who talk and seem to be here to give credit to the idea that there are still diversified ‘policies’, are necessarily creatures of the system of communication.

Otherwise they wouldn’t be where there are now. This doesn’t mean that they are totally homogeneous. Some are intelligent, some are cynical, others are sentimental, some are very corrupt, some are not, and so on. But something makes them all the same when they pass their exam (whether it is an election, the nomination to a strategic position etc.): they have to go through the system of communication.

The system of communication is very diversified and very clever. It can produce the impression of criticism against some of the effects of the system of technologism by blurring the borders from cause to effect, so as to avoid systemic criticism.

Politicians can use, when it comes to communication, very strong arguments against the current situation, but that must remain very vague to avoid any systemic criticism. It’s the implicitly radical “reform” for Sarkozy, the implicitly revolutionary “change” for Obama.

We’ve just described the system in its ideal situation. Next to this we have reality, and reality is characterized by 2 facts: on the one hand, this system is deep in crisis because it is attaining the vertex of its power, that is to say the maximal oppression it can impose on us even though it needs ‘us’ to keep a veil of legitimacy (elections, democracy, free speech, etc.).

On the other hand, ‘we’, as in you and me, peoples etc. are surviving, suffering from this systematic oppression and are reaching a point where they can’t take it anymore. That’s why candidates promising an implicitly radical ‘reform’ or an implicitly revolutionary change are elected and immediately provoke widespread disaffection. The system of communication authorizes a tactical promise which cannot be upheld a single second when the politician, once in power, succumbs to the system of technologism.

To break this vicious circle, for the time being, we would need a Gorbachev, a person who plays by the system’s rules to reach power and who, at a given time, when she’s in power, breaks away from the system, goes underground in a way and attacks the system from the outside, using the inside forces she has access to from the power she holds, exactly as Gorbachev did.

Because Gorbachev, purposefully or not, acted exactly like that, as soon as Fall 1985, 6 months after his election as General Secretary of the USSR Communist Party in March 1985, after he put his strongmen in high positions (Shevardnadze instead of Gromyko at the Foreign Ministry) as soon as May 1985. All those who do an institutional description of Gorbachev’s action since 1987 did not understand the historical essence of his actions, generally because they remained anti-communist even after the death of communism and cannot imagine that a communist could be sick of communism to the point of killing it. Once again, the fact that Gorbachev planned the final effect of his action doesn’t matter. Gorbachev has been a formidable tool of History against the Soviet system, a dissident of the system, a Resistance fighter who prepared destabilizing actions completely outside of the bounds of the system, talking to groups of citizens to prompt them to accuse the bureaucracy. He was a great man, no doubt. We believed that Obama could be this ‘American Gorbachev’, but to this point, we have been notably, if not irremediably, disappointed.

Note that I talk in constant time, ‘at the time being’, because I think that the situation is evolving at a staggering pace, taking the system itself by surprise. I’m not even talking of what we call ‘politicians’. The pressure of the system of communication on psychologies is huge, and it often fosters tactical criticism to avoid systemic criticism. It is always on the verge of paving the way for an unleashed psychology to evolve towards fundamental criticism. Agitators like the Tea Party in the US, the fall of pres. Sarkozy in public opinion polls, etc. are also perverse effect (for itself) of the system of communication.

It’s likely that 2012 will be a game-changing year because, apart from the Maya calendar, we’ll have the Russian, American and French presidential elections a few months from each other. The situation will likely be very different and very different things will happen. The truth is that we’re in all domains in a situation of maximal tension, and collective psychologies are constrained by the system. It’s impossible to know what tomorrow – say, 2012 – will be made of.

How do you explain that their skillful mastery of the media, which is so strong during electoral campaigns, seems to have abandoned them after the vote?

The media that I call ‘official’, classical media, answering to the conformity of economic powers, follows the instructions of the system. But they mostly answer to the ministry of the system of communication rather than to the ministry of technologism. We saw that winning candidates answer to the system of communication and that they play the flattering role of the reformist, even sometimes of the revolutionary, so as to get elected. Once in office, they are dependent on the system of technologism, they are the foot soldiers of ‘the party line’. The media, who still depends on the ministry of communication, starts to strongly criticize the candidate that became president.

Of course, there are sometimes corrections, but in general, in a context of crisis, this trend becomes more and more obvious. Journalists of the system cannot escape the heights of the system of communication, the role of which is a constant pressure on the psychology, in general in the way dictated by ‘the party line’. It also implies a psychological excitation in general for the tactical adjustments I talked about earlier. That gives excitement to those beautiful souls who carry high their virtue, making them think they can write freely. Each time, they are like virgin teenagers who go to their first sentimental rendezvous.

The system may well be at the height of its unchained power, it still is the climax of the crisis fathered by this power that deconstructs everything. Order does not follow. More and more, it is disorder. The excited psychologies of the system’s journalists lose more and more often the sense of the instructions as candidates become feebler, more worn out as they become presidents in an advanced phase of dissolution. Then, these psychologies give way to the euphoria of writing and criticize more forcefully those they have been forced to adore by their own psychology. All the more as this pleases the audience, which still brings the money in.

If I describe this situation as full of contradictions and paradoxes, it’s because things change at an extraordinary speed and that the power of the system’s crisis impedes more and more the power explosion of the system. It’s a titan fight happening before our eyes. My general interpretation is that this crisis is due to the struggle between the system after its explosion and the great forces of History which are more and more rising against the system. I generally define, in the present situation which is a final combat, the forces of the system as destructuring, when the forces of History are structuring.

Will this situation, already present in several countries considered as advanced democracies, extend to other countries?

This time is over. The situations of extensions are accomplished. The invasion of the system is globalized, its crisis is too. All countries are more or less in the above-described situation, of this growing struggle and chaos at play in the battle of communication and we cannot analyze the situation in national terms because it is a general and transversal situation. But there are national differences across countries, more or less conscious of their situation, more or less ready to revolt.

The concept of ‘advanced democracies’ is obsolete and I’d rather talk of ‘obsolete democracies.’ Hence the idea that our democracy has become some kind of dog food, which is not a system of general laxity nor a police state, but a chaotic mix of all of this and of attempts in all directions, all this boiling in the ridiculous proclamation by the system’s parrots of ‘moral values’ reduced to pieces of trash meant to fill the bins of what’s left of History.

The situation describing France and the US is happening to various degrees in all countries of the central American-Western central bloc, with its heart boiling with it in the US, of which nobody knows anything because this monster is transforming in something else before our eyes.

On the other hand, in countries that are not considered full-fledged democracies, like Russia, the political class continues to be preoccupied with its legitimacy…

Indeed, some countries are both ‘inside and outside’ of the system. Countries that keep some of the characteristics of a strong political regime, like Russia and China, keep a certain identity and a certain legitimacy. They’re not infected with the terminal sickness of our finishing civilization, the one we call ‘democracy’.

These countries are no alternatives; they don’t offer an alternative system. They preserve what can be preserved to face the ineluctable general crisis of the Western civilization. They have some lucidity. It’s certainly among Russians, instructed by the collapse of the USSR and with an innate sense of apocalypse, that we find the most precise analyses of the collapse of the USA and the Western system.

Curiously, I think that France is close from these countries, because it’s a country that’s both inside and outside of the system. Thanks to its history and the powerful tradition of La Grande Nation, its transcendental identity remains strong.

Do you think that media outside the system, like analysis sites or social networks, can prevent this evolution?

No doubt, the answer is very positive. They already had effects of an unprecedented force, although this cannot be accounted for yet. The phobia of conspiracy theories around 9/11, although largely based on precise elements, is a cancer that is eating out the system of communication in general. What’s important isn’t to prove that the conspiracy exists since 9/11, but the devastating doubts on this issue. Alternative networks created this doubt which devours the system and takes away its legitimacy.

The angst that alternative networks create in the system is a formidable pressurizing factor. It imposes considerable limits on the powers of the system of communication, lest it creates errors that are used by alternative networks. The system is afraid of revelations, hypotheses, and accusations. The hate from professional journalists towards the net is something great and fascinating at the same time. The networks play the same role as the opposition’s samizdat in the USSR from the 1970’s onwards, which were instrumental in bringing the regime to collapse.

The best journalists and opinion writers are to be found on these networks. In the US, this is already a fact, names and examples abound. Writers can set themselves free from the system on the networks. Historians and scientists too. The only thing that networks lack, especially in Europe and in France, is a consciousness of their overall, constant, organized strength, when they are currently considered a tool for one-off shots. In the US, this is already the case. They know that the only way of destroying the system lies in alternative networks. They’re the equivalent of barricades and riots becoming revolution in the 19th and 20th centuries. They are the supreme and only tool of general revolt.

> The article in french

> Translation made by Owni /-)

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