Mourir pour un iPad ?

Alors que la tablette de Steve Jobs arrive enfin entre les mains des Français ce vendredi, la firme à la pomme est critiquée en raison des conditions de travail des ouvriers chinois qui fabriquent ses produits.

Attention, voici venue l’ère de l’iPad. La tablette numérique d’Apple arrive à disposition des Européens vendredi 28 mai dans un grand élan de célébration médiatique. Mais tandis que des ONG profitent de ce symbole technologique pour mettre en question la « société de gaspillage », des suicides en Chine viennent aussi gâcher la fête. À la veille de l’événement, l’anglais The Independant se montrait offensif à la une (relevée par @rrêtsurimages) :

Sous le titre « Mourir pour un gadget ? », le quotidien appose une image de l’iPad et celle de Ma Xiangquian, ouvrier chinois « poussé au suicide, dernière victime des conditions de travail inhumaines dans les usines électroniques d’Asie ». Et l’article poursuit :« Le lancement de l’iPad terni par les préoccupations sur son coût humain ». Ma Xiangquian est l’un des dix employés de l’usine Foxconn de Shenzen, en Chine, à s’être donné la mort sur son lieu de travail depuis le début de l’année, et trois autres tentatives de suicide y ont été comptabilisées.

Foxconn, appartenant à un groupe taïwanais, compte 300 000 salariés à Shenzen et est le principal sous-traitant d’Apple qu’il fournit en iPhones, iPods et iPads. Le complexe fabrique également des produits pour d’autres géants de l’informatique comme Sony, Dell ou HP.

Chanteurs et filets anti-suicide

Mais c’est évidemment le plus médiatique d’entre eux, Apple, qui se retrouve sous les feux de la presse, prompte dans le même temps à célébrer l’arrivée de l’iPad. La firme à la pomme se dit « attristée et bouleversée » par cette vague de suicides et a indiqué son intention d’enquêter sur les conditions de travail dans l’usine Foxconn.

Face à la médiatisation récente de ces suicides, Foxconn nie tout malaise et a accueilli la presse, cette semaine, pour montrer entre autres la piscine du complexe, tandis que ses dirigeants assurent que les suicides sont liés à des raisons sentimentales, et non aux conditions de travail. La compagnie a également annoncé avoir fait appel à 2 000 chanteurs, danseurs et profs de gym pour travailler dans la joie. Mais n’a pas oublié non plus de faire signer à ses ouvriers une promesse de ne pas attenter à leurs jours et, au cas où, compte installer des filets anti-suicide.

Une usine mise en cause depuis au moins deux ans

Dès août 2008, pourtant, les conditions de travail dans l’usine géante étaient pointées du doigt dans un rapport de l’organisation China Labour Watch. Journées de travail pouvant dépasser dix heures, avec des heures supplémentaires non payées, humiliations, pressions, dortoirs où s’entassent les ouvriers (qui sont nourris et logés par leur employeur)…

En juillet 2009, Foxconn se trouvait à nouveau mis en cause, après le suicide d’un ouvrier accusé d’avoir volé un prototype d’iPhone. Et à nouveau China Labour Watch dénonçait un « système de management inhumain » et les nombreuses violations du droit du travail. À noter le bon point alors décerné à Apple, puisque l’ONG notait que dans l’usine, « seuls les ouvriers produisant pour Apple ont droit à un tabouret pour travailler assis, les autres devant rester debout ».

Des règles mais des contrôles insuffisants

Au delà de Foxconn, d’Apple ou d’autres, que ce soit dans l’informatique ou le textile (voir à ce sujet notre article sur les Maquilas), mais aussi la grande distribution, c’est le système mondialisé de la sous-traitance que cette affaire met à nouveau en question. Les grandes compagnies occidentales utilisent toutes les capacités de production des pays à faible coût de main d’œuvre. Elle fixent certes des règles de bonne conduite et normes droit du travail. Mais reconnaissent en même temps ne pouvoir contrôler tout ce qui se passe chez leurs sous-traitants.

Dans un rapport dévoilé en février, Apple admettait par exemple que plus de la moitié des usines qui travaillaient pour elle ignoraient les règles interdisant de travailler plus de 60 heures par semaine. La firme de Steve Jobs promettait alors d’améliorer ses moyens de contrôle sur ses fournisseurs. Visiblement, une longue marche reste à parcourir.

Billet initialement publié sur LES NOUVELLES news, sous le titre “iPad et compagnie, le prix de la sous-traitance” ; image CC Flickr sushiesque

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